Comprendre le prix de l’eau en 6 questions

Publié le 20 mai 2021

L’eau est essentielle à toute vie. Elle est souvent appelée « or bleu » mais cette terminologie ne reflète en réalité pas sa valeur réelle. Sans or, la vie peut exister. Sans eau, elle est impossible. L’eau est donc une ressource inestimable, bien plus précieuse que l’or ou tout autre matière première. Et pourtant, elle coûte bien moins cher.

C’est ce constat qui a poussé l’ONU à tirer la sonnette d’alarme. Pour l’UNESCO en effet, l’eau n’est pas reconnue à sa juste valeur. L’enjeu est important car cette sous-estimation du prix de l’eau implique des arbitrages économiques qui ne sont pas toujours assez pondérés et, hélas, trop de gaspillages.

Quel est le prix de l’eau en France et dans le monde ?

Le prix de l’eau varie de manière très significative entre les pays mais aussi au sein même de ceux-ci. Il change régulièrement et n’est pas le même selon les villes. Ainsi en France, l’or bleu revient en moyenne plus cher dans le nord et l’ouest que vers le sud et l’est de l’hexagone, avec cependant des différences à l’intérieur d’une même région.

De ce fait, il est difficile d’évaluer son coût moyen par pays tant celui-ci change dans le temps et diffère d’un endroit à l’autre. Nous avons créé un tableau avec quelques données pour se rendre compte des coûts approximatifs.

Moyenne européenneDanemarkFranceUSA
4,01 €/m³6,61 €/m³3,98 €/m³1,30 €/m³

Ces prix sont l’addition du prix de l’eau potable et de celui de son assainissement. Ils proviennent de données collectées entre 2014 et 2018.

L’eau est généralement moins chère dans les grandes villes que dans celles de taille moyenne.

Carte de France du prix moyen de l'eau

© Source Service Eau France

Quelle est la quantité d’eau consommée en France et à l’étranger ?

Les pays les plus gros consommateurs d’eau sont tous, sans surprise, des pays développés. Les plus grands sont les États-Unis, le Canada, le Japon, l’Australie et la Suisse. Ils consomment en moyenne plus de 250 litres d’eau par personne et par jour.

La France se trouve en position intermédiaire avec une consommation moyenne de 130 à 160 litres d’eau par jour et par personne. Cependant, elle pourrait faire mieux car beaucoup de ses voisins, tels que l’Allemagne ou la Belgique, en consomment moins de 130.

En Afrique subsaharienne, la tendance est tout autre. Là-bas, seulement 10 à 20 litres d’eau sont consommés par personnes quotidiennement.

De quoi le prix de l’eau dépend-il ?

Structure de coût du prix de l'eau en France

Le prix global de l’eau dépend de nombreux facteurs :

  • Qualité de la source : une eau de bonne qualité et peu polluée implique peu de traitements, moins de main d’œuvre, moins d’usure des machines ce qui fait inévitablement baisser son prix de revient
  • Densité de population : la mutualisation des équipements et notamment des réseaux de distribution a un fort impact sur le prix final de l’eau
  • Accessibilité : le prix de l’eau peut aussi augmenter en fonction de la distance des habitations et des difficultés d’approvisionnement
  • État du réseau de distribution : un réseau d’adduction en eau moderne et entretenu permet notamment de réduire les fuites d’eau

Quel est le vrai prix de l’eau ?

Il est aujourd’hui compliqué d’estimer le « vrai » prix de l’eau étant donné qu’elle se trouve naturellement sur notre planète et donc gratuitement. Son prix est bien sûr indexé sur son coût de production : traitement, extraction, assainissement, acheminement, etc. mais le prix de l’eau ne reflète bien souvent pas sa réelle valeur.

L’ONU pointe du doigt le fait que de nombreuses externalités positives de l’eau ne sont pas prises en compte dans le calcul de son prix.

L’eau est par exemple indispensable pour l’hygiène d’un pays. Un pays avec un très mauvais accès à l’eau a plus de chances de voir des maladies se propager. Ainsi, l’eau peut sauver des vies mais aussi permettre aux États de réaliser d’importantes économies en soins pour endiguer une pandémie.

L’eau est aussi essentielle pour la bonne santé de l’environnement, et un environnement en bonne santé subit moins de dérèglements et génère moins d’externalité négatives qu’il faudra payer tôt ou tard.

L’eau a aussi, selon l’ONU, un impact bien plus subjectif : elle joue un rôle quant à la santé mentale des individus. L’eau est apaisante et a même une signification dans certaines religions. Elle a aussi un rôle social fondamental : il suffit de penser aux bains publics des romains par exemple. Cet aspect subjectif est presque impossible à valoriser.

Un rapport publié par l’Unesco en mars 2021 estime que ces paramètres ne sont pas assez pris en considération pour fixer le vrai prix de l’eau.

Conséquence directe : l’eau est souvent gaspillée dans les pays développés et les investissements pour en optimiser son exploitation et sa distribution sont insuffisants.

Quel est l’impact du gaspillage de l’eau dans les pays occidentaux ?

Dans ce même Rapport mondial sur la mise en valeur des ressources en eau que l’ONU explique que le gaspillage de l’eau est principalement dû au fait qu’elle ne soit pas reconnue à sa juste valeur.

Dans les pays occidentaux, comme l’eau n’est pas très chère, il y a une tendance au gaspillage car le raisonnement se fait en termes de coût. Par exemple, une douche revient à moins de 40 centimes. La prolonger un peu n’est donc pas significatif sur une facture d’eau.

Selon le rapport, cet état de fait est paradoxal car dans le même temps, le nombre de personnes vivant dans « des zones touchées par une grave pénurie d’eau au moins un mois par an » est estimé à un peu moins de 4 milliards. Cela représente un peu plus de la moitié de la population mondiale.

La question de la valorisation de l’eau se pose alors. Pour l’ONU, les occidentaux ont tendance à ne pas assez la considérer comme essentielle et rare. L’eau est vue comme un acquis. Bien qu’ils sachent pertinemment que celle-ci est une ressource qui se raréfie, ils n’en prennent pas conscience au quotidien.

Selon le rapport de l’ONU, il est impératif que les habitants des pays développés comprennent et réalisent mieux la valeur de l’eau.

Comment revaloriser l’eau à son juste niveau ?

L’eau devient plus rare mais elle est surtout très inégalement répartie et c’est là que se pose le principal problème. Son accès inégal selon les différentes régions du monde risque de s’amplifier en raison du dérèglement climatique.

La juste valorisation de l’eau pourrait passer par deux axes principaux : sensibiliser les populations pour diminuer les consommations non essentielles ou augmenter son prix.

Le problème soulevé par l’ONU est que l’eau est une denrée essentielle à la vie. La faire payer trop cher pourrait poser problème quant à son accessibilité pour les plus pauvres, alors que tous devraient y avoir accès.

L’Unesco estime que tout habitant pourrait consacrer en moyenne 3 % de ses revenus à l’eau.

Aujourd’hui dans les pays développés, les factures d’eau ne représentent qu’environ 1 % des revenus des ménages.

Le problème qui se pose est que ce chiffre n’est qu’une moyenne. Certains foyers dépensent donc beaucoup plus que ce 1 % de leurs revenus pour l’eau. En cas d’augmentation générale trop forte du prix de l’eau, cela risquerait de creuser les inégalités. Une situation humaine intenable.

Une des solutions préconisées pour pallier au problème de valorisation de l’eau et de gaspillage serait de mettre en place une « tarification sociale » de l’eau. Celle-ci veut simplement dire que le prix du m³ d’eau n’est pas fixe. Il augmente avec la quantité d’eau consommée.

Plus un foyer consomme d’eau, plus elle est chère au m³. Malgré le terme « social », ce système ne dépend donc pas des revenus mais simplement de la quantité d’eau consommée.

Cette façon de faire payer l’eau est déjà mise en place dans certaines villes françaises et dans certains pays.

Infographie sur le prix de l'eau en France