Pendant les mois d’hiver, les précipitations remplissent naturellement les nappes phréatiques. Cependant, les prévisions du BRGM suggèrent que le changement climatique pourrait réduire ce processus de recharge de 10 % à 30 % d’ici 2070.
Face à ce défi, la recharge artificielle se présente comme une solution prometteuse au problème de sécheresse en France.
Cette technique consiste à augmenter les réserves d’eau souterraine via des méthodes artificielles telle que l’infiltration d’eau provenant de sources externes, comme les rivières, vers les aquifères.
Explorons ensemble les bénéfices et les limites de cette méthode, les techniques employées et les diverses contraintes à prendre en compte.
Quels sont les objectifs de la recharge artificielle ?
En France, plusieurs objectifs peuvent être ciblés grâce à la mise en oeuvre de techniques de recharge artificielle des nappes phréatiques :
Pour commencer, il y a la régénération d’aquifères épuisés par une exploitation excessive, où la baisse de niveau devient problématique. C’est le but principal de cette solution.
On peut aussi chercher à obtenir une amélioration de la qualité de l’eau souterraine : réduction de la présence de certains composés chimiques tels que les nitrates et les pesticides. Cela peut se faire par dilution par exemple.
Autre objectif moins connu : celui de la sauvegarde des aquifères côtiers contre la pénétration d’eau salée.
En effet, lorsque les nappes côtières sont surexploitées, le niveau de l’eau douce diminue, ce qui réduit la pression qui s’oppose à l’eau salée provenant de la mer. En l’absence de pression suffisante, l’eau salée peut s’infiltrer dans l’aquifère, un phénomène connu sous le nom d’intrusion saline.
Injecter de l’eau douce dans les nappes phréatiques situées près des zones côtières permet de créer une barrière. L’eau douce, étant moins dense que l’eau salée, s’accumule au-dessus de l’eau salée et empêche cette dernière de s’infiltrer davantage dans l’aquifère.
Techniques mises en oeuvre pour effectuer cette recharge
Les méthodes principales de recharge artificielle des nappes s’articulent autour de trois axes :
- Les bassins d’infiltration : ce sont des structures conçues pour permettre à l’eau de s’infiltrer naturellement jusqu’à la nappe phréatique, par infiltration dans le sol.
Pour augmenter les niveaux des nappes, on capte de l’eau des rivières en période de crue à l’aide de pompes. Cette eau est ensuite acheminée par un réseau de conduites vers des bassins d’infiltration. L’eau recueillie s’infiltre peu à peu dans la nappe souterraine, rehaussant ainsi son niveau. Cela permet de conserver de l’eau qui, autrement, serait perdue par ruissellement vers la mer ou par évaporation.
- Les méthodes d’injection directe : elles sont répandues mondialement et consistent à introduire l’eau directement dans les nappes captives via des puits. Cette technique exige une surveillance méticuleuse pour s’assurer de la qualité de l’eau injectée.
- La recharge indirecte : cette approche consiste à conduire l’eau d’un cours d’eau vers une nappe alluviale en installant des sites de pompage à proximité des rives. Durant ce processus, l’eau est partiellement filtrée grâce aux propriétés naturelles des berges.
Origines des eaux stockées dans les nappes
Un facteur crucial pour la réussite d’un projet de recharge artificielle est la présence d’une source d’eau proche du lieu d’injection. Cette proximité est essentielle pour garantir un apport continu et pour réduire les frais liés au transport de l’eau.
On peut utilise deux catégories d’eau pour la recharge :
- Les eaux de surface, provenant des cours d’eau, sont privilégiées pour leur accessibilité, surtout lorsque l’objectif de la recharge artificielle est d’accroître la quantité d’eau dans les nappes.
- Les eaux usées épurées, bien que cette option ne soit pas actuellement permise en France, peuvent aussi être envisagées dans certains contextes internationaux pour la recharge des nappes phréatiques.
Quels sont les exemples de recharge artificielle déjà en oeuvre en France ?
La pratique de la recharge artificielle, bien qu’assez commune dans des régions confrontées à d’intenses sécheresses telles que l’Australie, la Californie ou l’Espagne, reste encore peu répandue en France.
Cependant, des initiatives notables ont été prises par le groupe Suez entre 1960 et 1980. Des villes dans les Yvelines ainsi que le syndicat des eaux du Dunkerquois ont bénéficié de cette technologie pour sécuriser l’approvisionnement en eau potable face à des nappes phréatiques surutilisées.
Le Grand Lyon a également adopté cette approche pour un de ses champs captants, où la réinfiltration des eaux de surface est directement intégrée dans le processus de potabilisation, contribuant au maintien du niveau des nappes souterraines.
Le site de Crépieux Charmy dans le Rhône se distingue comme un modèle du genre avec une capacité de stockage impressionnante de plus de 76 millions de m3 et une production annuelle de 110 millions de m3 d’eau potable pour la métropole lyonnaise.
Près de Toulouse, à Boussens, un projet de rgande ampleur est en cours. Il envisage d’utiliser les eaux abondantes du canal d’irrigation Saint-Martory, en provenance des Pyrénées et particulièrement fournies lors de la fonte des neiges au printemps, pour alimenter les nappes phréatiques par infiltration.
Avantages de le recharge artificielle des nappes phréatiques
Les avantages de la recharge artificielle des nappes phréatiques résident dans la prévention de la perte d’eau par évaporation, la réduction de l’emprise au sol comparativement à un stockage en surface comme les bassines, ainsi que dans la contribution à la gestion des crues et au soutien de la biodiversité.
La recharge durant l’hiver à partir des eaux de surface est une solution de rechange aux barrages et retenues. Elle peut garantir des réserves pour les besoins estivaux, en particulier dans les zones où le déficit en eau est chronique, allégeant ainsi la pression sur les ressources en surface.
Inconvénients de cette méthode de stockage de l’eau
Elle peut perturber les équilibres hydrologiques naturels.
Il existe un risque de pollution des nappes par des substances nocives.
La question de la viabilité à long terme se pose également au vu de l’ampleur des investissements requis.
Selon un rapport du BRGM de 2008, 75 dispositifs de recharge artificielle ont été recensés en France. Pour 48 d’entre eux, leur état actuel est bien documenté. Les deux tiers des sites dont la situation est clairement établie se trouvent dans les régions Nord-Pas-de-Calais, Midi-Pyrénées et PACA, mais seulement une vingtaine sont encore opérationnels aujourd’hui.
Les raisons des abandons varient : les municipalités peuvent trouver d’autres sources d’eau pour leur approvisionnement, l’utilité de la recharge artificielle peut devenir obsolète ou bien la qualité de l’eau disponible pour la recharge peut ne plus être adéquate pour maintenir le système en bon fonctionnement.
Contraintes réglementaires et économiques
La mise en œuvre de la recharge artificielle des nappes phréatiques implique plusieurs dimensions, notamment juridique et économique, voire même politique et sociétales.
Le volet juridique et politique concerne la législation relative à la gestion des ressources en eau, en prenant en compte la préservation des équilibres naturels et la prévention des impacts négatifs sur l’environnement. Les autorités veillent de plus en plus à la protection des aquifères face aux risques de sur-exploitation ou de pollution.
Le volet économique d’un projet de ce type implique qu’il est bien sûr primordial d’évaluer son potentiel économique. Cela implique de mesurer sa rentabilité par rapport à d’autres alternatives. Les investissements nécessaires pour les infrastructures de gestion des eaux sont souvent considérables et doivent être justifiés, surtout que ces installations peuvent être utilisées de manière intermittente.
L’importance de la surveillance de la qualité de l’eau injectée
Selon la nature de l’eau brute destinée à la recharge artificielle, un traitement préalable est souvent nécessaire pour garantir la qualité de l’eau qui va infiltrer les nappes phréatiques.
Toutefois, le passage de cette eau à travers les différentes strates du sol offre l’avantage d’épurer naturellement certaines catégories de micropolluants, sous réserve qu’ils soient assimilable par le sol sans risque ultérieur.
Par ailleurs, les eaux pluviales collectées en milieu urbain (solution aujourd’hui interdite) peuvent également servir à la recharge des nappes. Cette utilisation s’inscrit dans la continuité des efforts déployés par les collectivités pour encourager l’infiltration des eaux de pluie, dans le but de prévenir les inondations et les surcharges des systèmes d’assainissement. Cela présente donc un double avantage : gérer efficacement les eaux pluviales tout en contribuant au maintien des niveaux des nappes phréatiques.