Le transfert d’eau est une technologie ancienne remise au goût du jour comme moyen de lutte contre la sécheresse localisée.
Qu’est-ce qu’un transfert d’eau ?
Un transfert d’eau entre région est une autre appellation d’un transfert interbassins.
Le transfert interbassins consiste à déplacer de l’eau d’une région géographique à une autre, souvent d’un cours d’eau vers un autre ou vers un lac.
Ces transferts ne connaissent pas de frontières : ils peuvent être effectués au sein d’un même pays ou, plus exceptionnellement, entre plusieurs pays.
Ce qui rend ces projets fascinants, c’est leur polyvalence. En effet, ils peuvent servir une variété d’objectifs :
- fournir de l’eau potable
- alimenter des systèmes d’irrigation
- produire de l’électricité
- faciliter la navigation
- offrir des espaces de loisir.
Pourquoi sont-ils utiles dans le contexte du changement climatique ?
Historiquement, ces transferts étaient surtout réalisés pour des besoins d’hydroélectricité. Cependant, la montée des enjeux environnementaux, exacerbée par les effets du changement climatique et la sécheresse a conduit à une diversification des projets, notamment dans les domaines de l’approvisionnement en eau potable et de l’irrigation.
Le transfert interbassin permet d’alimenter une zone géographique dont la nappe phréatique est devenue trop basse. En effet, à l’échelle nationale, la France ne manque pas d’eau. Elle souffre toutefois de déséquilibres régionaux. Un projet de transfert d’eau permet de corriger ce déséquilibre en prélevant de l’eau d’une région en excédent vers une région en déficit d’eau.
Concevoir un projet de transfert d’eau requiert des investissements massifs et des études environnementales poussées. En France, tout comme dans d’autres parties du monde, il est fort probable que de nouveaux projets verront le jour. Ils seront sans doute conçus pour être multi-usages dès le départ, pour répondre à une variété de besoins comme l’eau potable, l’irrigation et la production d’électricité.
Une technologie ancienne en constante évolution
Les canaux de transferts d’eau interbassin sont historiquement une réponse à l’inadéquation géographique d’une ressource trop éloignée des besoins de la population.
Les aqueducs romains constituent l’une des merveilles de l’ingénierie antique en matière d’urbanisme et de gestion des ressources hydriques.
L’aqueduc de Segovia en Espagne est encore debout le long de ses 16 km après presque deux millénaires. En France, le Pont du Gard, long de près de 50 kilomètres, acheminait l’eau jusqu’à la ville de Nîmes.
Aujourd’hui comme hier, le transfert d’eau est une solution technologique et intensive en capital, car il implique la construction de grands canaux et souvent de stations de pompage ou de tunnels.
Les grands ouvrages de transfert d’eau en France
Le principe de fonctionnement des aqueducs et des canaux est remarquablement simple mais ingénieux : ils exploitent la gravité pour acheminer l’eau, suivant le même principe qu’une conduite forcée pour un barrage. Même une pente légère, entre 15 et 25 cm par kilomètre, suffit pour assurer une circulation fluide de l’eau.
Ce mécanisme ingénieux a non seulement facilité l’expansion des villes, mais aussi transformé des terres arides en champs fertiles grâce à l’irrigation.
La portée des transferts d’eau peut varier considérablement. En France, les exemples les plus notables se trouvent dans le Sud-Est. Le canal de Marseille, qui s’étend sur 80 km a été construit entre 1834 et 1849. Il achemine l’eau de la Durance jusqu’à Marseille.
Plus récent, le canal de Provence, établi dans les années 1960 et long de 216 km, alimente non seulement Aix-en-Provence et Marseille, mais aussi diverses exploitations agricoles et industries en utilisant l’eau du Verdon, le tout orchestré par un réseau complexe de barrages et de retenues.
Lancé au début des années 2010, le projet Aqua Domitia en France relie les bassins fluviaux du Rhône à ceux de l’Hérault et de l’Aude. Ce programme vise à soulager la tension sur les ressources en eau déjà limitées des régions de Montpellier et Narbonne et à sécuriser l’approvisionnement en eau potable et en eau pour l’irrigation, notamment dans des zones connaissant une croissance démographique significative.
Ce qui distingue Aqua Domitia, c’est sa modernité. Il ne s’agit pas simplement d’un canal mais d’un réseau de canalisations enterrées d’une longueur de 130 km, capable de transporter 2,5 mètres cubes d’eau par seconde. L’objectif est de puiser 8 millions de mètres cubes d’eau dans le Rhône, un fleuve qui maintient un débit relativement élevé même pendant les mois d’été, pour remplacer les prélèvements actuels effectués dans les cours d’eau et les nappes phréatiques du Gard, de l’Hérault et de l’Aude.
Contrairement aux systèmes plus traditionnels qui reposent principalement sur la gravité, Aqua Domitia innove en utilisant un réseau sous pression.
À titre de comparaison, à l’échelle mondiale, environ 150 infrastructures de transfert inter-bassins sont en fonction, et près de 60 autres sont en phase de planification ou de construction.
A noter : il existe aussi des transferts intra-bassins réalisés entre sous-bassins du même bassin fluvial. C’est le cas de la dérivation d’Emosson. Une portion des eaux de la rivière Arve, affluent du Rhône, sont redirigées via l’aménagement hydroélectrique d’Emosson vers le Rhône.
Le rôle clef de la réglementation sur les transferts d’eau pour l’environnement
La réglementation n’interdit pas les transferts interbassins. Toutefois, les impératifs environnementaux rendent leur mise en œuvre plus complexe et plus encadrée.
Tout projet de ce type doit être solidement justifié. Il est nécessaire de démontrer que le transfert d’eau représente la meilleure solution après que toutes les options d’optimisation des ressources locales ont été explorées.
De plus, les impacts environnementaux du projet – que ce soit au point de collecte mais aussi le long de l’acheminement – doivent être durables et supportables.
Au-delà de l’analyse technique, une consultation à l’échelle supra-bassin impliquant diverses instances locales, comme les SAGE (Schémas d’Aménagement et de Gestion des Eaux) et les contrats de rivière, est cruciale. Cette concertation vise à sécuriser la ressource en eau et à évaluer les conséquences des transferts interbassins.
Elle prend en compte non seulement les avantages, tels que la satisfaction des besoins en aval et le soulagement des pressions sur les milieux bénéficiant du transfert, mais aussi les impacts potentiels sur les écosystèmes concernés.